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MHE et FCO: 2024, année de tous les dangers pour les Savoie?
Derniére mise à jour le : 14/02/2024
2023 aura vu l’émergence en Europe de 3 nouveaux virus, tous transmis exclusivement par des vecteurs, des culicoïdes, petits moucherons piqueurs très répandus sur notre territoire. Par chance les Savoie ont été épargnées par ces virus en 2023, mais compte tenu de l’expérience des épizooties précédentes de FCO et des régions ou pays déjà touchés par ces virus, on ne peut que redouter leur arrivée, possiblement conjointe en 2024, sur notre territoire. Pour se prémunir d’un danger, il faut déjà le connaître et chercher à le comprendre. Passons en revue ces 3 virus qui se sont déjà bien implantés sur certains territoires français ou européens.
Le nouveau variant du BTV 8 (FCO à sérotype 8) est à nos portes
Depuis que la France vit avec le BTV 8 depuis sa réémergence en 2015, ses symptômes (fièvres, ulcères, malformations, mortinatalité, infertilité transitoire post-infection) semblaient s’être atténués, peut-être du fait de l’immunité naturelle installée dans les populations animales. De ce fait la grande majorité des vaccinations ne concernait que les animaux destinés aux échanges. Au cours de l’été 2023, des signes cliniques conséquents (avec notamment des surmortalités) ont été signalés dans le sud du massif central et les analyses génétiques du virus ont montré qu’une nouvelle souche du sérotype 8 émergeait sur ce territoire. Plus de 1300 foyers sont déjà déclarés. Une enquête conduite par les GDS locaux a montré des taux de morbidité par élevage allant de 0,3 à 47 % chez les ovins adultes ; de 1 à 73% chez les bovins adultes, et une mortalité allant de 0 à 50 animaux morts chez les ovins adultes et 0 à 4 animaux morts chez les bovins adultes. Comme lors des épizooties précédentes, on observe une forte variabilité qui peut être due à plusieurs facteurs plus ou moins maîtrisables comme la population des vecteurs, leur charge virale, l’état des animaux, etc. A ce jour, on ne dispose pas du recul suffisant pour connaître les effets de ce nouveau variant sur la reproduction, mais on sait que le BTV 8 a eu un impact significatif lors de son arrivée en 2007-2008.
Comme lors des épizooties de FCO précédentes cette souche a progressivement diffusé « en tache d’huile » par le jeu du vol des moucherons infectés et aussi par le jeu des déplacements d’animaux (bovins, ovins, caprins) infectés. L’hiver a mis fin à la période d’activité vectorielle, mais tout laisse à présager que la reprise de l’activité vectorielle au printemps fera repartir la maladie. Il faut remarquer que les épizooties de FCO précédentes se sont généralement exprimées plus fortement en fin d’été, probablement du fait d’une activité vectorielle plus intense à cette saison et d’une multiplication virale parvenue à son apogée. Mais le virus circule déjà en amont de cette phase explosive et il est souhaitable de s’en prémunir avant qu’il ne soit parvenu à une multiplication maximale.
Une prévention possible : la vaccination contre le BTV8
A la différence des 3 autres virus mentionnés dans cet article, il est possible de se prémunir contre le nouveau variant du BTV 8, car les vaccins actuellement disponibles, qui ont largement démontré leur efficacité contre la souche initiale, ont également démontré leur efficacité (note de l'ANSES sur efficacité vaccin) au moins en laboratoire contre ce nouveau variant. Le GDS des Savoie recommande donc fortement cette vaccination, qu’il faut mettre en place avec son vétérinaire pour raisonner la meilleure période et les animaux à vacciner. Soulignons qu’il faut viser une protection globale du troupeau et non celle limitée à quelques individus, comme les mâles reproducteurs par exemple. En effet, et l’éradication du BTV8 obtenue en 2012 grâce à la vaccination l’a bien montré, la vaccination ne va agir efficacement qu’en limitant la multiplication virale à l’échelle du troupeau. Un individu, même correctement immunisé, placé au milieu d’un environnement fortement contaminant, garde de fortes chances d’exprimer la maladie, mais sans doute moins sévèrement. Rappelons que la vaccination lorsqu’elle doit être certifiée pour un mouvement de bovin à l’export doit être réalisée par le vétérinaire sanitaire de l’élevage, alors que la vaccination du cheptel de souche peut être réalisée par l’éleveur lui-même (voir les vaccins FCO disponibles en France).
La MHE : la vague du sud attendue pour 2024
La maladie hémorragique épizootique ou MHE, est d’abord réputée dangereuse pour les cervidés, mais son arrivée depuis l’Espagne dans le sud-ouest de la France a malheureusement montré son impact négatif pour les animaux d’élevage. Une enquête conduite par les GDS des départements les plus impactés (64 et 65) a révélé une forte morbidité (médiane de 13%), essentiellement sur les bovins adultes, avec parfois des soins très contraignants (drenching), avec toutefois une forte variabilité et une mortalité plus modérée (1 à 4 morts chez 20% des élevages touchés). On peut penser que ce sont les mêmes facteurs (vecteurs, virus, état des animaux) que la FCO qui créent cette variabilité. A ce jour on comptabilise plus de 3800 foyers déclarés (il y en a de nombreux non déclarés dans les zones fortement atteintes) et la zone régulée qui s’étend à 150 km autour des foyers les plus excentrés s’arrête aux portes de l’ancienne région Rhône-Alpes.
Comme pour la FCO à sérotype 1 qui était arrivé sur territoire national en 2007-2008 à partir du sud-ouest, on peut prédire le même cheminement pour la MHE, car les vecteurs sont les mêmes. Rappelons que ce virus apparu en 2022 dans le sud de l’Espagne a traversé tout ce pays en moins d’un an.
Cette maladie de dispose pas de vaccin à l’heure actuelle, et le seul moyen de la freiner est la limitation des mouvements d’animaux issus de zones régulées avec contrôle virologique et des traitements insecticides pour éviter une dispersion trop rapide de la maladie. Ces mesures ne freinent malheureusement pas la propagation de proche en proche par les vecteurs eux-mêmes portés par le vent, et l’on peut s’attendre à une progression plus ou moins rapide du front de propagation de l’épizootie à partir des Pyrénées et des autres foyers déjà identifiés sur le territoire (cf carte). Il est difficile de prédire le moment de son arrivée sur le territoire des Savoie et l’intensité de ses effets qui va dépendre des vecteurs et du virus. C’est pourquoi il faut rester vigilant et se tenir informé de la progression du virus. Il convient aussi d’être vigilant sur les mouvements d’animaux issus des secteurs à risque et d’instaurer le cas échéant des désinsectisations préventives, sur la base des prescriptions d’un vétérinaire qui connaît la situation de l’élevage.
La FCO à sérotype 3 : la menace à venir du nord
Un malheur n’arrivant jamais seul, le scénario de l’arrivée du BTV8 en Europe en 2006 par les Pays-Bas est en train de se rejouer avec le BTV3, autre sérotype parmi les 27 agents de la fièvre catarrhale ovine. Les Pays-Bas ont déjà déclaré plus de 4300 cas (cf carte) et quelques cas sont déjà déclarés chez les pays voisins : Allemagne, Belgique et Royaume-Uni. Là encore il faudra attendre le printemps 2024 et la reprise de l’activité vectorielle pour voir s’étendre cette nouvelle épizootie, qui semble, aux dires des autorités néerlandaises toucher sur le plan clinique préférentiellement les moutons. Le taux de mortalité pourrait atteindre 40% (estimé à 58% pour les béliers et 42% pour les brebis) (source : media professionnel Veeteelt le 05/10/2023). La forte dispersion de la maladie sur le territoire néerlandais en quelques mois peut faire craindre une extension rapide en 2024 sur l’ensemble du continent européen, comme celle observée en 2007-2008 avec le BTV 8. Comme pour la MHE, il n’existe pas de vaccin à l’heure actuelle contre cette maladie, et les experts indiquent qu’il n’y a pas de protection croisée à attendre de la part des autres vaccins FCO (8 ou 4). Un projet de développement d’un vaccin serait à l’étude en Allemagne, mais n’aboutirait pas avant fin 2024. Comme pour la MHE, la vigilance doit donc d’abord porter sur l’origine des animaux introduits sur l’exploitation, ce qui suppose de suivre régulièrement l’actualité de ce virus.
Point d’information sur la circulation du BTV 4 en Corse
La désinsectisation : une arme aux pouvoirs limités
La réglementation exige la désinsectisation des animaux et des moyens de transports pour les sorties de zones soumises à restriction de mouvements, en plus d’un dépistage vironégatif. Vous pouvez trouver les éléments techniques sur la désinsectisation sur une fiche technique de GDS France. La désinsectisation diminue les populations des vecteurs porteurs du virus, mais elle ne peut pas totalement les annihiler. Aucun produit ne dispose en Europe d’une autorisation spécifique pour les culicoïdes qui constituent des populations d’insectes très nombreuses. L’emploi des pyréthrinoïdes dont l’efficacité a été évaluée sur d’autres insectes reste privilégiée, mais il est illusoire d’imaginer une réelle maîtrise des vecteurs par ce moyen. Concernant l’utilisation de ces produits, nous vous rappelons l’importance de prendre des précautions, notamment pour éviter la contamination des pollinisateurs, par dissémination du produit dans l’environnement. La désinsectisation est donc un outil complémentaire, utile lors des mouvements de bovins à risque, mais elle reste insuffisante pour prétendre à une réelle maîtrise de ces maladies.
Conclusions : s’informer et se protéger
Il est très difficile de se protéger contre ces nouvelles maladies virales vectorielles émergentes, qui ont souvent des effets délétères lorsqu’elles arrivent dans des populations naïves. La situation des Savoie à la croisée des chemins des nouvelles épizooties est telle qu’il n’est pas impossible de voir arriver ces 3 maladies simultanément en 2024 sur notre territoire. Cette triple agression pourrait grandement fragiliser notre cheptel régional, et il convient de limiter les risques en vaccinant contre le BTV 8 d’une part, et en étant vigilant sur les mouvements d’animaux d’autre part (éviter les origines à risque, ce qui nécessite de suivre l’actualité, et le cas échéant contrôler et désinsectiser les animaux introduits). Les éleveurs savent que la santé de leurs animaux est un bien indispensable mais fragile. L’information et la vigilance, appuyées par leurs partenaires sanitaires comme leur vétérinaire ou leur GDS, restent leur premier moyen de protection. N’hésitez pas à les solliciter pour faire part de vos questionnements sur votre situation.
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